Nagasaki - Éric Faye

 

Chez lui, c'était chez moi... 

chez moi, c'était chez elle.

Comme le précise l'auteur, l'histoire lui fut inspirée par un fait divers révélé par la presse nipponne en mai 2008.

 

Ce court roman, grand Prix du Roman de l'Académie française 2010, d'une écriture sobre et ciselée, nous fait pénétrer la vie fade d'un homme ordinaire, qui vit pourtant une expérience inédite de cohabitation  extraordinaire.

 

Shimura, la cinquantaine, climatologue à la station météo locale, vit seul. Sa vie de vieux célibataire est aussi grise que son pardessus, réglée comme du papier à musique, qu'il n'écoute plus guère.

 

Dans son appartement, obsessionnellement rangé, tout est mesuré. Un jour, rentrant du bureau, il soupçonne une main clandestine de se servir dans son réfrigérateur. Il veut en avoir le cœur net et mesure avec une règle, qu'il plonge dans la bouteille de jus de fruit, le niveau de liquide restant. Le soir, ses doutes sont confirmés,le niveau a baissé. Quelqu'un a bu !

 

Il installe alors une webcam pour observer sa cuisine à distance.

 

Le lendemain, depuis son bureau, où il fait mine d'être absorbé par quelques photos satellites, il a les yeux rivés sur cette petite fenêtre ouverte en bas à droite de son écran qui lui envoie les images interminablement immobiles de sa cuisine. La matinée s'écoule et rien ne trouble l'écran. Réunion. Puis retour à l'observation de cumulo-nimbus, mais surtout de cette fenêtre. La bouteille a été déplacée : preuve que quelqu'un est là. Ses soupçons deviennent certitude quand la silhouette d'une femme apparaît à l'écran. Une femme, de son âge qui pourrait être la sienne et qu'il dénonce à la police.

 

Eric Faye décrit avec minutie les sentiments qui envahissent Shimura, entre crainte, révolte, regret et remords d'avoir dénoncé l'intruse, qui est arrêtée, jugée et incarcérée.

 

L'auteur déplace alors la narration et donne la parole à la "clandestine" dont on apprend qu'elle a vécu toute une année à l'insu de son hôte. Dans une lettre, qu'elle écrit à celui qui l'hébergea malgré lui, elle révèle que le choix de l'appartement n'est pas le fait du  hasard. Une révélation qui donne toute la profondeur au récit et est aussi une parabole sur la solitude, l'incommunicabilité et le poids de notre histoire passée. Génial !

 

éditeur : Stock

 

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Éric Faye, journaliste et romancier, nous parle des différences entre l'écriture journalistique et la littérature, mais aussi des passerelles qui existent entre ces deux écritures.